vendredi 5 janvier 2007

Bibliographie / Liens internet

Pour effectuer le petit travail que vous avez pu lire sur mon blog, bien évidement il a fallut que je sois passionné par Mozart, sa Flûte Enchantée et son symbolisme. Mais ce ne pouvait être suffisant. Toutes les informations viennent de :
  • L'excellent live du professeur de musicologie Jacques Chailley "La Flûte Enchantée, une initiation maçonnique" (trouvable dans les librairies d'occasion ou sur le net).
  • L'excellent livre de Jean et Brigitte Massin sur "Mozart".
  • L'avant-scène-opéra traitant de "La Flûte Enchantée" toujours disponible.
  • La conférence donnée par Inès d'Albomiron avant la projection du film d'Ingmar Bergman
Quelques liens :
http://www.lamediatheque.be/Travers_sons/op_moz01.htm
http://www.histoire-christ-gnose.org/Mozart.htm
http://www.cof.ens.fr/cineclub/synopsis/synopsis_la_flute_enchantee.html
http://www.resmusica.com/aff_articles.php3?num_art=1806
http://isoladisabitata.over-blog.org/article-4329153-6.html
http://www.eddamoser.com/
http://cinema-education.fluctuat.net/blog/index.php?itemid=11795#commentaires

Discographie de la Flûte Enchantée

  • LA version de référence malgré l'absence des dialogues parlés que l'on trouve dans d'autres versions, enregistrée en 1964, malgré les nombreux enregistrements, reste encore à ce jour celle, majestueuse, dirigée par Otto Klemperer grâce à la qualité des chanteurs (G Frick en Sarastro, L Popp en Reine de la Nuit, G Janowitz en Pamina et N Gedda en Tamino - sans oublier E Schwartzkopf dans une des 3 dames) et à l'équilibre qu'elle offre.
  • La version dirigée en 1972 par W Sawallisch est très excellente par son choix artistique mais aussi par le choix des chanteurs (K Moll en Sarastro, l'inoubliable et terrible E Moser en Reine de la Nuit, A Rothenberger en Pamina et P Schreier en Tamino). Je trouve personnellement cette interprétation le plus proche de l'initation maçonnique souhaité par Mozart. E Moser en Reine de la Nuit, terrifiante est, pour moi, LA Reine de la Nuit.
  • La version dirigée par Sir G Solti en 1971 avec Dietrich Fischer-Dieskau en Sarastro, C Deutekom en Reine de la Nuit, P Lorengar en Pamina est très bien chantée quoique assez peu symbolique.
  • Une très belle version, très bien enregistrée, originale de Nikolaus Harnoncourt en 1988 avec d'exellents artistes (M Salminen en Sarastro, E Gruberova dans une tonitruante Reine de la Nuit - offrant une réelle concurrence à E Moser -, B Bonney dans Pamina et H P Blochwitz et Tamino.
  • Une vieille version par Karajan à Rome en 1953 en live est très intéressante aussi, chantée en italien (je vous l'accorde c'est très surprenant au départ) avec une très jeune E. Schartzkopf en Pamina...


Pour les DVD, j'ai essentiellement retenu 2 très bonnes versions :
  • Levine (avec K Moll en éternel Sarastro, L Serra en très bonne Reine de la Nuit, K Battle en Pamina, F Araiza en Tamino et M Hemm en Papageno)
  • Sawallisch (encore lui mais cette fois avec K Moll en Sarastro, E Gruberova en Reine de la Nuit, L Popp en Pamina, F Araiza en Tamino et W Brendel en Papageno).
  • Ne pas oublier le film très intéressant de Ingmar Bergmann.
  • En ce qui concerne celui de Kenneth Branagh, il est à boycotter !!!
Pour les autres versions qui me sont inconnues, j'attends vos commentaires....

voir d'autres avis :
http://www.lamediatheque.be/Travers_sons/op_moz01.htm http://www.castalie.fr/article-45239-6.html http://www.kozlika.org/kozeries/index.php/post/2004/12/31/134-der-holle-rache?pub=1#pr


Commentaires personnels

Mozart n’a pas été seulement le musicien de l’entreprise, mais aussi celui par qui la Zauberflöte, seule de son espèce, le lot des innombrables Singspiels sans intérêt. Elle est destinée à devenir, non seulement par la splendeur de sa musique, mais aussi par les ambitions de son livret, et quelles que soient dans celui-ci les maladresses de réalisation, l’un des monuments durables de l’esprit humain.
Il est certain que les rapports entre les Loges Régulières des hommes et les Loges d’Adoption des femmes furent tendus ce qu’illustre la dualité homme-femme, 3 contre 5, dans la Flûte Enchantée. « La Maçonnerie, dit un rapport de 1841, qui ne peut se propager que par la persuasion, a besoin des femmes pour être florissante ; loin de les avoir pour auxiliaires, elle est obligée de lutter incessamment contre elles. » A Mozart d’aller plus loin dans l’apaisement des rapports entre hommes et femmes dans son opéra.
Les spectateurs non-initiés sont surpris par le changement de rôles entre l’acte I et II concernant Sarastro et la Reine de la Nuit : à l’acte I, la Reine de la Nuit se fait présenter par les 3 Dames à son service comme représentant le bien (elle pleure l’enlèvement de sa fille Pamina par l’immonde Sarastro représentant le mal) ; à l’acte II, nous découvrons alors un Sarastro Sage représentant le bien qui initie Tamino et Pamina et une Reine de la Nuit ivre de colère et d’orgueil représentant le mal. Est-ce une erreur des auteurs dans leur précipitation comme semblent le penser les non-initiés ? Ou s’agit-il, de la part des auteurs, de donner une leçon à ceux qui peuvent la déceler ? Je pense qu’ils nous invitent à réfléchir à nous méfier des apparences, nous engagent à toujours garder éveillé notre sens critique, bref à ne croire que ce que l’on voit et pas tout ce que l’on peut nous raconter surtout quand on joue sur notre émotionnel.
Mozart développe dans son opéra une égalité qui lui tient à cœur : l’égalité initiatique de la femme à venir grâce au rôle de Pamina. (il avait voulu en son temps créer une loge initiant des femmes pour Constance) Grâce à elle, la Femme subit une transformation notable dans « La Flûte Enchantée » : au début, elle appartient à un monde inférieur que symbolise la Nuit. Sarastro commence par l’en arracher fût-ce contre son gré (en l’enlevant). L’amour lui fera affronter les mécomptes de Monostatos mais elle résiste. Elle affrontera aussi le silence de l’être aimé lors de son travail de purification. Mais elle garde confiance jusqu’à affronter, avec Tamino les épreuves les plus redoutables et en sortent vainqueurs pour être aptes à dominer le monde de leur sagesse. Le règne du père de Pamina ignorait la crise des sexes ; celle-ci est née de leur division (le monde est partagé entre la Reine de la Nuit et Sarastro). Par l’union de Tamino et de Pamina le conflit sera résolu et un nouvel âge d’or pourra s’ouvrir au monde, c’est le 3ème ère que Mozart appelle de ses vœux à travers « La Flûte Enchantée ». En étant unie à l’Homme élu (Tamino), Pamina formera avec lui le couple Parfait où la Femme sera l’égale de l’Homme dans sa complémentarité.
Papageno et Papagena passeront les épreuves de la Terre et de l’Air mais s’arrêteront là. Ils ignoreront la joie des initiés, mais seront heureux de se contenter de peupler la Terre d’une multitude de petits Papagenos et de petites Papagenas, ce qui n’est pas sans une cruelle ironie satirique vu la médiocrité de ce qu’ils représentent.
A travers la Flûte Enchantée, Mozart nous offre son témoignage chaleureux de son enthousiasme prosélyte.
Par le symbolisme et l’avancée sociale que le compositeur, digne avant-gardiste des Lumières, a voulu y renfermer, « La Flûte Enchantée » peut être considérée à plus d’un titre comme le testament philosophique de Mozart.

Analyse du second ACTE

Le décor du second acte de la « Flûte Enchantée » représente une palmeraie : nous sommes donc à l'orée du champ de la résurrection de l'âme-esprit.
La tradition ésotérique symbolise toujours par des arbres feuillus les domaines de la félicité éternelle, et mieux ici, les palmes sont d'or, pour bien marquer que ces domaines sont ceux de l'Esprit universel.
Dix-huit sièges sont disposés, chacun surmonté d'une pyramide et d'un cor.
Le nombre 18, c'est 1 + 8 = 9, le nombre de l'homme : les trois centres triplement renouvelés par le 3 x 3 ! Nous sommes à cet instant au coeur du mystère qui va se dérouler ici.
L'action débute par la marche solennelle des prêtres, serviteurs d'Isis et d'Osiris. Suit alors une délibération des frères initiés et Sarastro, qui connaît les mystères va nous donner maintenant la clef de l'opéra : Tamino, s'il triomphe des épreuves initiatiques, sera uni à Pamina et tous deux régneront et protégeront le Temple de la sagesse.
On ne peut s'empêcher de voir ici dévoilé, le but sublime assigné par Le Grand Architecte de L’Univers à chaque homme : réaliser en lui les « Noces Alchimiques », vouer totalement la personnalité à l'âme-esprit, et avoir ainsi part à la sagesse qui procède de l'Esprit-Saint.
La scène représente une palmeraie. Tous les arbres sont argentés et les palmes sont d’or. On aperçoit 18 sièges couverts de palmes. Chaque siège est surmonté d’une pyramide et d’un grand cor noir serti d’or. Au centre se trouve la pyramide la plus haute, ainsi que les arbres les plus élevés.

Acte 2 Scène 1
Sarastro et d’autres prêtes s’avancent à pas solennels en tenant chacun une palme à la main. Une marche, jouée par les instruments à vent par les instruments à vent, accompagne le cortège.
Sarastro, l’officiant, des prêtres.
Sarastro : (après un silence)
O vous, serviteurs des grands Dieux Isis et Osiris, qui avez été initiés dans le temple de la Sagesse ! je vous annonce d’une âme pure que notre assemblée d’aujourd’hui est l’une des plus importantes de notre temps. Tamino, fils de roi et âgé de 20 ans, erre devant la porte nord de notre Temple et soupire pour un objet dont le conquête est pour nous source de peine et d’effort. En un mot, ce jeune homme veut déchirer les ténèbres qui voilent son regard, pour apercevoir en ce sanctuaire la lumière suprême. Veillez sur cet homme de valeur, lui prêter amicalement la main, telle sera aujourd’hui l’une de nos tâches essentielles.
Le 1er Prêtre : (se lève)
Il a de la valeur ?
Sarastro :
De la valeur.
Le 2ème Prêtre :
Et aussi de la discrétion ?
Sarastro :
De la discrétion.
Le 3ème Prêtre :
Est-il généreux ?
Sarastro :
Généreux ! Si vous le jugez digne, suivez mon exemple.
(Ils soufflent 3 fois dans les cors)
Touché par votre assentiment unanime, Sarastro vous remercie au nom de l’humanité. Puissent les préjugés ne pas exercer leurs méfaits sur les initiés que nous sommes, la sagesse et la raison les détruiront comme une toile d’araignée. Ils n’ébranleront jamais les colonnes de notre Temple. Cependant, nous ferons en sorte que les préjugés malveillants disparaissent, dès que Tamino possédera notre Art difficile. Les Dieux ont destiné Pamina, la douce et vertueuse jeune fille à ce noble jeune homme ; c’est la raison pour laquelle je l’ai enlevée à son arrogante mère. Cette femme s’imagine avoir de la grandeur, elle espère séduire le peuple par l’illusion et la superstition et détruire le solide édifice de notre temple. Mais elle ne saurait y parvenir. Tamino, le noble jeune homme nous aidera lui-même à le consolider et par son initiation, la valeur sera récompensée et le vice châtié.
(Tous répètent le triple accord joué par les cors).

Tamino, jugé digne de l'initiation, va maintenant courir de grands dangers et il est vrai qu’il doit purifier son coeur. Le fait que Sarastro demande aux prêtres de tenir la main à Tamino illustre bien les rôles de l’Expert et du Maître des Cérémonies pendant les voyages de l’impétrant. Notons qu’il y a 3 prêtres qui posent des questions à Sarastro, symbolisant ainsi les 3 attaches subit pas le néophyte.
Sa tête d'abord et c'est pourquoi Tamino est laissé seul (avec Papageno cependant) dans une obscurité qui doit lui rappeler la nuit de l'ignorance dans laquelle il est encore. Il s’agit bien ici de l’épreuve de la Terre, symbolisée en Franc-Maçonnerie par le cabinet de réflexions.

Changement de tableau : Il fait nuit. Le tonnerre gronde au loin. La scène représente une petite cour devant le temple, on aperçoit des vestiges de colonnes et de pyramides, ainsi que quelques buissons épineux. De chaque côté s’ouvrent de hautes portes dans le style de l’ancienne Egypte, évoquant plutôt des bâtiments latéraux.

Acte 2 Scène 2
Tamino et Papageno sont introduits par l’officiant et le 2ème prêtre. Ceux-ci ôtent leur voile. Puis les prêtres sortent.
Tamino :
Quelle horrible nuit ! Papageno, es-tu encore à mes côtés ?
Papageno :
Oui, bien sûr !
Tamino :
Où crois-tu que nous nous trouvions à présent ?
Papageno :
Où ? Ah, s’il ne faisait pas si sombre, je te le dirai bien, mais là… (coup de tonnerre) Oh, malheur !

Alors Tamino, toujours accompagné de Papageno, est introduit pendant la première épreuve dans un commandement et non pas dans une épreuve : celui du silence, que connaît tout apprenti sur sa colonne du septentrion dans les temples maçonniques.

Acte 2 Scène 3
Les mêmes. L’officiant et le 2ème Prêtre, des torches à la main.
Le 2ème Prêtre :
Tu peux la voir, mais il t’est interdit de lui dire un seul mot avant que le délai soit écoulé. Auras-tu l’esprit assez ferme pour tenir ta langue ?
Papageno :
Oh, oui.
Le 2ème Prêtre :
Ta main ! Tu vas la voir.
L’officiant :
A toi aussi, Prince, les dieux t’imposent un silence salutaire ; sans quoi vous êtes perdus tous les 2. Tu verras Pamina, mais à aucun moment tu n’auras le droit de lui parler. Voici venu le moment de vos épreuves.

La réflexion de Papageno est significative.

Acte 2 Scène 4
Tamino, Papageno.
Papageno :
Holà ! De la lumière ! C'est tout de même étrange, chaque fois que ces messieurs nous quittent, on a beau écarquiller les yeux, on n'y voit rien !

Il est possible de comprendre ceci comme une allusion au rôle important, des Écoles des Mystères, représentée ici par le collège des prêtres.
L’Être relié à une source spirituelle, est assimilé ici à l'idée d'être exposé à la Lumière.
Mais dans cette première épreuve de la Terre, de la reconnaissance des mystères, les tentations sont nombreuses.
Elles sont symbolisées dans la « Flûte » par les trois dames qui réapparaissent et tentent de détourner Tamino et Papageno de leur mission. Mais elles échouent et sont chassées par les prêtres.

Acte 2 Scène 5
Les mêmes. Les 3 Dames (sortant par une trappe)
Les 3 Dames :
Quoi ? Quoi ? Quoi ? Vous en ce sinistre endroit ? Jamais, jamais vous n’en échapperez ! Tamino, ta mort est jurée ! Toi, Papageno, tu es perdu !
Puis à la fin de la scène :
Les 3 Dames :
Il nous faut les quitter humiliées, aucun d’eux ne parlera c’est sûr ! Un homme a l’esprit résolu, il réfléchit avant de parler.
Tamino et Papageno :
Il nous faut nous quitter humiliées, aucun de nous ne parlera c’est sûr ! Un homme a l’esprit résolu, il réfléchit avant de parler.
(Les Dames s’apprêtent à s’en aller. Les initiés s’écrient en coulisse :)
Des prêtres :
Le seuil sacré est profané ! Femmes, descendez en enfer !
(Tonnerre, éclairs et foudre, 2 violents coups de tonnerre en même temps).
Les 3 Dames :
Oh, malheur ! Malheur ! Malheur !
(Elles disparaissent par la trappe)
Papageno : (tombe à terre)
Oh, malheur ! Malheur ! Malheur !
(Puis retenti le triple accord)

Entre-temps la puissance de Monostatos, aura essayée de corrompre Pamina. Il est interrompu par la Reine de la nuit qui a fomenté le projet de récupérer « le soleil aux sept auréoles » dont Sarastro est le gardien depuis la mort du père de Pamina.

Acte 2 Scène 8
La Reine :
Arrière !
Pamina : (s’éveillant)
O Dieux !
Monostatos : (reculant d’un bond)
Malheur ! C’est, si je ne me trompe, la reine de la Nuit ;
(il reste complètement immobile)
Pamina :
Mère ! Mère ! Ma mère ! (elle se jette dans ses bras)
Monostatos :
Sa mère ? Hum ! Il faut écouter cela, mais de loin !
(il sort furtivement)

La Reine brûle du désir de posséder l'Esprit-Saint septuple elle aussi.
Et il est vrai que le monde brûle d'un désir de perfection naturelle, d'une soif d'idéalité.
L'Enseignement Universel nous répète pourtant constamment que cet « ici-bas » est le monde de la dualité, des antagonismes, du chaud et du froid, de l'amour naturel et de la haine, du bien et du mal, bref, du pavé mosaïque de la maçonnerie.
Notre monde est, et restera toujours étranger au monde de l'Esprit. La Reine de la nuit sait bien cela et cet état lui inspire de la vengeance. Elle ordonne à Pamina de tuer Sarastro et de lui dérober ce fameux cercle solaire aux étranges pouvoirs qu'elle convoite dans une musique bien connue inspirant sa folie.

Acte 2 Scène 8
La Reine :
Mon cœur est tout brûlant de vengeance infernale, la mort et le désespoir lancent leurs flammes autour de moi ! Si tu n’infliges pas à Sarastro les affres de la mort, alors tu ne seras plus ma fille. Sois bannie à jamais, abandonnée à jamais, que soient brisés pour toujours tous les liens de la nature, si Sarastro ne succombe pas par ta main ! Ecoutez, dieux vengeurs ! Ecoutez le serment d’une mère !
(Elle disparaît)

Ce sera évidemment chose impossible pour Pamina que de commettre un meurtre aussi horrible car elle est du royaume où règne l'Esprit-Saint septuple. D'où son désespoir car elle espérait tout, de Tamino, le soi supérieur qui devait se consacrer à lui redonner ses pouvoirs de reconstruction. Son désespoir est exploité par Monostatos qui, à son tour, se livre à un odieux chantage et menace de la dénoncer à Sarastro. Mais ce dernier, serviteur de la Fraternité, veillait. Il a tout compris et le chasse à son tour, tout en révélant à Pamina le projet que la fraternité a formé pour elle et Tamino (si celui-ci parcourt victorieusement le chemin de l'initiation) : les Noces alchimiques du corps et de l'Esprit.

Acte 2 Scènes 11 et 12
Pamina, Monostatos, Sarastro
Monostatos : (à Pamina)
Alors meurs !
(Sarastro se précipite pour le retenir)
Monostatos :
Seigneur, mon action n’est pas condamnable, je suis innocent ! On a juré ta mort, c’est pourquoi je voulais te venger.
Sarastro :
Je ne le sais que trop et je n’ignore pas que ton âme est aussi noire que ton visage. Aussi punirais-je avec la plus grande sévérité ce noir dessein, si une femme malfaisante, ayant il est vrai une excellente fille, n’avait forgé le poignard du crime. C’est la malveillance de cette femme qui te permets d’en échapper sans châtiment. Va t’en !
Monostatos : (s’en allant)
Puisque la fille n’est pas pour moi, je vais aller trouver la mère. (Il sort)
Pamina :
Seigneur, ne châtie pas ma mère ; la douleur que lui cause mon absence…
Sarastro :
Je sais tout. Je sais qu’elle erre dans les galeries souterraines du temple et qu’elle mijote sa vengeance contre moi et contre l’humanité. Mais tu vas voir comment je me venge de ta mère. Que le ciel accorde seulement au noble jeune homme du courage et de la persévérance dans son projet, alors tu seras heureuse avec lui et ta mère, confondue, n’aura plus qu’à retourner dans son château.

Après la purification du mental se présente maintenant au candidat aux mystères, la phase de l'initiation qui concerne l'émotionnel de l'homme et qui se passe au niveau du foyer du coeur.
Apaiser son corps émotionnel, c'est entrer dans le silence et le respecter.
C'est exactement ce qui est demandé à Tamino, dont le travail est constamment perturbé par le comportement futile de Papageno qui jacasse avec une créature. Et pourtant Tamino pour respecter ses vœux, ira même jusqu'à feindre d'ignorer Pamina qui apparaît devant lui, au grand désespoir de cette dernière.
Ceci montre que sur le chemin, le candidat doit être silencieux, même devant une première manifestation de son âme en devenir, tant qu'il n'a pas été ennobli à travailler avec elle.
Papageno est présenté à sa future Papagena encore déguisée en vieille femme.

Acte 2 Scène 15
(Une vieille femme et laide surgit d’une trappe, portant sur un plateau un grand gobelet rempli d’eau avec Tamino, Papageno)
Papageno :
Hahaha ! Eh bien, mon jeune ange ! As-tu aussi un amoureux ?
La femme :
Oh oui, bien sûr !
Papageno :
Et il est aussi jeune que toi ?
La femme :
Pas tout à fait, il a 10 ans de plus.
Papageno :
10 ans de plus que toi ? Quel amour fou cela doit être ! Comment s’appelle donc ton galant ?
La femme :
Papageno.
Papageno : (effrayé, après un silence)
Papageno ! – Où est-il donc ce Papageno ?
La femme :
Il est assis là , mon ange.
Papageno :
Moi, je serais ton amoureux ?
La femme :
Oui mon ange !

Pamina est attirée par le son de la flûte qui a été rendue à Tamino par les trois enfants apparus « dans une machine volante couverte de roses». Cela symbolise l’épreuve de l’air passée par Tamino et que Pamina y est associée par les roses.

Acte 2 Scène 16
Les 3 enfants paraissent dans une machine volante couverte de roses. Au centre se trouve une table bien mise. L’un d’eux a la flûte, l’autre la petite boîte contenant les clochettes avec Tamino et Papageno
Les 3 enfants :
Soyez une nouvelle fois les bienvenus, amis, dans le royaume de Sarastro. Il vous rend ce qu’on vous avait pris, la flûte et les clochettes aussi. Si vous ne dédaignez pas ces mets, buvez et mangez-en allègrement. Quand nous vous reverrons pour la 3ème fois, la joie récompensera votre courage ! Tamino, aie courage ! le but est proche. Toi, Papageno, garde le silence !
(Durant le trio, les enfants placent la table au centre, puis ils disparaissent vers le haut)

Et l'épreuve se poursuit car Tamino, même en présence de Sarastro doit encore ignorer Pamina une seconde fois avant gagner le lieu de ses 2 dernières épreuves.
Il reste encore maintenant au candidat, à parvenir au renouvellement du centre de sa volonté.
Mais maintenant, le récipiendaire possède la conscience de l'âme. C'est la raison pour laquelle nous voyons Pamina rejoindre Tamino et c'est ensemble qu'ils vivront les 3ème et 4ème épreuves.
Les trois enfants auront persuadé Pamina qu'elle est aimée et ils vont la mener vers Tamino.
Une aide supplémentaire apparaît sous l'aspect de deux hommes revêtus d'une armure noire qui vont servir de guide. Ceci semble indiquer que maintenant, le candidat qui va courir de grands dangers sera protégé par la double armure de sa foi et de sa détermination nouvelle. Les deux hommes lisent une inscription gravée sur une plaque, et qui reproduit celle gravée sur le tombeau d'Hiram Abiff, le maître constructeur du Temple de Salomon. Autrement dit, ayant laissé pénétrer en lui la Lumière divine, il pourra se consacrer entièrement à sa tache de transfiguration du corps, de l'âme et de l'Esprit.

Acte 2 Scène 28
Le décor représente 2 grandes montagnes ; à l’intérieur de l’une d’elles, une cascade que l’on entend gronder ; l’autre montagne crache du feu ; devant chaque montagne, une grille à travers laquelle on voit le feu et l’eau ; du côté du feu, l’horizon doit être rouge vif et du côté de l’eau règne un brouillard épais. Les praticables représentent des rochers, fermés chacun par une porte de fer. Tamino est légèrement vêtu, il ne porte pas de sandales. 2 hommes revêtus d’une armure noire introduisent Tamino. Sur leur casque, des gerbes de flammes ; ils lui lisent l’inscription lumineuse que porte une pyramide située au centre du fond, près des grilles. Ensuite, Pamina.
Les hommes revêtus d’une armure :
Celui qui suit ce chemin plein d’embûches, sera purifié par l’eau, le feu, l’air et la terre ; s’il peut vaincre la peur et la mort, il s’élancera de la terre vers les cieux. L’esprit éclairé, il pourra alors se vouer entièrement aux mystères d’Isis.

C'est la victoire sur le serpent, le gardien du seuil.
Pamina, l'âme nouvelle, guidera les pas de Tamino.

Acte 2 Scène 28
Pamina :
En tout lieux, je resterai à tes côtés. C'est moi qui te conduis, l'amour me guidera ! Il parsèmera notre chemin de roses,...

Pamina accompagnera Tamino dans la traversée de la cascade de la montagne embrasée par les flammes. Cela symbolise les épreuves de l’eau et du feu. Cet ultime voyage initiatique doit absolument être débarrassé de tout son passé et purifié.

Acte 2 Scène 28 et Acte 2 Scène 28
Les hommes revêtus d’une armure :
Vous marchez, par la magie de la musique sans peur, à travers les ténèbres de la mort !
(Les portes se referment derrière eux ; on voit s’avancer Tamino et Pamina ; on entend le crépitement du feu et le hurlement du vent, parfois aussi le bruit sourd du tonnerre et le bruissement de l’eau. Tamino joue de la flûte. Dès qu’ils sortent du feu, ils s’étreignent et demeurent au milieu de la scène)
Tamino et Pamina :
Nous sommes passés à travers les flammes, avons courageusement affronté le danger. Puisse son chant nous préserver des flots, comme il nous a gardé des flammes.
(Tamino joue de la flûte ; on le voit descendre et remonter quelques instants plus tard ; aussitôt une porte s’ouvre ; on aperçoit l’entrée d’un temple qui est brillamment éclairé. Silence solennel. Cette vision doit être d’une lumière intense. Aussitôt le chœur se met à chanter, accompagné par les timbales et les trompettes. Mais auparavant, Tamino et Pamina.)
O dieux ! Quel instant suprême ! Le bonheur d’Isis nous est donné.

Après les 2 épreuves, on peut voir aussi une lumière intense qui inonde Tamino et Pamina symbolisant le moment de l’initiation où le récipiendaire reçoit la Lumière lorsqu’on lui ôte son bandeau. On comprend mieux alors maintenant pourquoi c'est au son de la flûte magique, l'instrument de l'Esprit-Saint sur le chemin, que le couple spirituel Tamino-Pamina, va pénétrer d'abord dans la réalité de sa psyché. Dans le même temps, Papageno aura enfin trouvé la paix, et sa Papagena.

Acte 2 Scène 29
Papageno, puis les 3 enfants ; enfin Papagena
Les 3 enfants :
Et maintenant, Papageno, regarde !
(Ils disparaissent. Papageno se retourne : Papageno et Papagena ont tous deux un jeu comique durant ce passage)
Papageno :
Pa-Pa-Pa-Pa-Pa-Pa-Pagena !
Papagena :
Pa-Pa-Pa-Pa-Pa-Pa-Pageno !
Papageno :
Es-tu à présent toute à moi ?
Papagena :
A présent, je suis toute à toi !
Papageno :
Alors sois ma chère petite femme !
Papagena :
Alors, sois mon tendre tourtereau !
Tous les deux :
Quelle joie ce sera si les dieux ne nous oublient pas, et offrent des enfants à notre amour, de si gentils petits enfants !
Papageno :
D’abord un petit Papageno !
Papagena :
Puis une petite Papagena !
Papageno :
Puis un autre Papageno !
Papagena :
Puis une autre Papagena !
Tous les deux :
Papagena ! Papageno ! Papagena ! C’est une joie profonde quand beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de Papageno, de Papagena, font le bonheur des parents.
(Ils sortent tous les 2).

Les forces du monde naturel se seront effacées devant la puissance du monde de l'Esprit. Le couple Tamino-Pamina permettra de passer du chiffre 2 symbolisant les opposés au nombre 3 symbolisant l’union des contraires et l’équilibre.
Une dernière apparition de Monostatos avec ses sbires, guidant la Reine de la Nuit et ses trois Dames vers le Temple, nous indique que jusqu'à la fin du processus de libération, la nature essaye de s'y opposer en s'appuyant sur le gardien du seuil
Mais ils disparaissent tous !

Acte 2 Scène 30
Monostatos, la reine et les 3 dames sortent des 2 trappes ; ils tiennent à la main des torches noires
Monostatos, la reine et les 3 dames :
Notre pouvoir est écrasé, anéanti, nous sommes plongés dans la nuit éternelle.
(Ils disparaissent)

L'opéra se termine sur un final des prêtres et la victoire des Noces Alchimiques à la Gloire d’Isis et d’Osiris, à mi-chemin entre une reconnaissance conjugale maçonnique et le moment où le Vénérable-Maître crée, constitue et reçoit chaque apprenti franc-maçon ce qui lui permet de se faire reconnaître comme tel par ses Frères.

Acte 2 Scène 30
Aussitôt le décor entier représente un temple du Soleil. Sarastro domine l’assemblée ; Tamino et Pamina, tous les 2 vêtus de vêtements sacerdotaux. Les prêtres égyptiens de chaque côté. Les 3 enfants tiennent des fleurs.
Sarastro :
Les rayons du soleil évincent la nuit, ruinent le pouvoir mensonger des imposteurs.
Chœur des prêtres :
Gloire à vous, initiés ! Vous avez traversé les ténèbres. Nous vous rendons grâces Isis et Osiris ! La force a triomphé et couronne en récompense la beauté et la sagesse pour l’éternité.

FIN !

Analyse du premier ACTE

Oui, elle est vraiment magique, cette « Flûte Enchantée », et magique à plus d'un titre :
  • D’abord dans l’intégibilité des textes même chantés (ce qui est rare pour un Opéra)
  • dans sa musique, souvent hors de l'espace et du temps (comme l’est notre rituel),
  • dans les intentions de son créateur et de tous les artistes qu'elle a inspiré,
  • enfin, dans le message que chacun peut comprendre qu'elle lui apporte.
On peut bien naturellement voir dans l'action et les personnages de la Flûte enchantée un antagonisme entre deux conceptions extérieures : le Bien et le Mal, L'homme et la femme, le monde ordinaire et les idéaux d'un univers maçonnique, etc, etc,...
Je suis intimement persuadé que Mozart a souhaité donner un message au monde, c’est ce que je vous propose de décoder ensemble au travers de cette planche.
Par la profondeur des thèmes évoqués, la « Flûte enchantée » nous relie aux grands récits initiatiques du combat intérieur qui conduit le chercheur de vérité à la vie spirituelle.
Entre les portes de la vie et de la mort, nous pourrons, certes, vivre sans nous poser un seul instant les questions fondamentales : Qui suis-je ? D'où viens-je ? Où vais-je ? (les questions du testament philosophique lors de notre épreuve de la Terre).
Mais si nous posons le pied sur le sentier d'une recherche spirituelle, c'est alors que les premières interrogations apparaissent : qu'est-ce que la véritable vie, qu'y a-t-il après la mort, pourquoi des religions s'opposent-elles, etc...?
Ainsi, sans aucun doute, Mozart, étant donné le soin qu'il a pris à composer la « Flûte Enchantée » et l'intérêt qu'il y a porté jusqu'à sa mort, nous a transmis un message.
Je le comprends ainsi :
  • Chacun des aspects de notre réalité microcosmique peut être symbolisé par un personnage de « La Flûte ». Leurs noms n'ont d'ailleurs pas été choisis au hasard. Tamino et Pamina signifient : « homme et femme consacrés au dieu égyptien Min ». Papageno dérive du mot perroquet (celui qui répète sans se poser de questions, celui qui ne vise qu'à reproduire les actes de la vie naturelle). Sarastro évoque en nous le nom de Zoroastre l'initié. Monostatos semble être la contraction de « mono » (un) et de « statos » (statique, celui qui n'évolue pas...)
  • Chaque phase du chemin peut être vue, comme un épisode de l'aventure qui sera la notre, si nous entamons une recherche spirituelle. Car tous ses aspects sont souvent mal compris et il faut sans cesse l'expliquer.
  • Chercheurs de vérité, nous sommes donc Tamino qui pénètre dans ce paysage chaotique, sauvage, non entretenu du domaine de la Reine de la nuit.
  • C'est notre monde, avec toutes ses contradictions, ses luttes et ses échecs, son absence totale d'harmonie.
Nous sommes sans armes, attaqués par un serpent qui symbolise notre instinct vital le plus aveugle et contre lequel nous sommes impuissants (Tamino possède un arc sans flèche).
Et nous crions alors : « au secours ! » comme Tamino.

Acte 1 Scène 1
Tamino, revêtu d’un splendide habit de chasse japonais, descend d’un rocher à droite, il tient un arc mais n’a pas de flèche ; un serpent le poursuit. Ensuite les 3 Dames.
Tamino :
A l’aide ! A l’aide ! Sinon je suis perdu, je vais être la proie du serpent maléfique. Dieux miséricordieux ! Le voilà qui s’approche ! Ah sauvez-moi ! Ah protégez-moi !

Il nous faut impérativement dépasser les barrières élémentaires de la vie ordinaire pour accéder à la conscience d'un travail initiatique à accomplir.
Le serpent de l'habitude, le serpent des instincts jusqu'ici assouvis, le serpent de la tentation à se laisser aller, dans le courant de ce monde nous poursuit continuellement.
Comment y résister sans s'abandonner totalement à d'autres forces, sans « s'évanouir » symboliquement au monde des illusions. Ici, l’évanouissement de Tamino symbolise le début de la préparation de celui-ci à sa future initiation.
Ces forces sont représentées par Mozart sous les traits de trois Dames qui apparaissent toujours voilées.
Elles s'annoncent comme étant les messagères de la Reine de la Nuit, ceci pour bien nous montrer que notre personnalité, qui appartient à ce monde, possède les trois pouvoirs naturels nécessaires pour quitter le royaume des ombres :
− la force d'aspiration de notre coeur à renverser le cours établi des choses,
− la puissance de la compréhension qui émane de notre tête
− enfin la volonté d'agir qui nous pousse à l'aventure spirituelle.
Les trois dames apparaissent voilées car nos pouvoirs naturels sont également voilés aux yeux du monde qui n'attend de nous qu'un comportement conventionnel, « naturel ».
Après avoir vaincu le serpent, les trois dames jouent alors une étrange comédie de la séduction vis à vis de Tamino : elles le veulent, possessivement, chacune pour elle-même.

Acte 1 Scène 1
1ère Dame :
Un jeune homme charmant, doux et beau.
2ème Dame :
D’une telle beauté, je n’en ai jamais vu.
3ème Dame :
Oui, oui, c’est sûr, il est à peindre.
3 Dames :
Si mon cœur devait être voué à l’amour, je le donnerais à ce jeune homme

Et là aussi, devant cet univers nouveau qui s'ouvre à nous, trois orientations nous sont offertes comme trois tentations :
− le mysticisme qui conduit souvent à une religiosité aveugle,
− l'occultisme qui pousse à une recherche spéculative,
− la tentation du pouvoir avec tous ses excès.
Mais le danger s'éloigne et Tamino est réveillé par le babillage d'un nouveau personnage : Papageno qui symbolisera, l'aspect naturel de notre être.

Acte 1 Scène 2
Papageno descend par un sentier, il porte sur le dos une grande cage qui dépasse largement le haut de sa tête et où se trouvent des oiseaux divers ; de plus, il tient des 2 mains une flûte de pan, il en joue et chante.
Papageno :
Je suis l’oiseleur, me voilà, toujours joyeux, hop là, tralala ! Moi, l’oiseleur, je suis connu des jeunes et des vieux, en tous lieux. Je sais m’y prendre pour attirer et m’y entends aussi pour siffler. Aussi je puis être gai et joyeux, car tous les oiseaux sont à moi. (Il joue)
Je suis l’oiseleur, me voilà, toujours joyeux, hop là, tralala ! Moi, l’oiseleur, je suis connu des jeunes et des vieux, en tous lieux. Je voudrais un filet pour demoiselles. J’en attraperais à la douzaine ; puis je les enfermerais chez moi, et toutes les filles seraient à moi. (Il joue)

Il y a en tout candidat à la libération de l'âme, un Tamino et un Papageno.
Mais il y a plus encore car le candidat aux mystères, ne réduit pas sa manifestation terrestre à la seule existence de sa personnalité.
Il sait qu'il est l'hôte animateur d'un petit monde, d'un « microcosme » comme on pourrait l’appeler.
Celui-ci abrite en son centre l'idée divine, l’Amour, symbolisée par Pamina.
C’est Monostatos qui retient notre âme prisonnière dans la vie et les passions, en utilisant toute la puissance du corps émotionnel de la personnalité. Monostatos veut Pamina lui aussi mais pour en jouir à des fins naturelles et non pas lui rendre la possibilité d'exprimer les lois de l'Ordre de l'Esprit.
Monostatos camoufle toujours ses actes les plus inavouables, sous des apparences trompeuses.
Ainsi, il a persuadé Pamina qu'elle était prisonnière de Sarastro. Or c'est faux !
Pamina appartient au monde de la Lumière, c'est à dire au royaume de Sarastro, mais n'en est en aucun cas prisonnière. Pour l'instant, elle n'en a pas conscience. Et la Reine de la Nuit le sait bien elle aussi. Sa propre version qu'elle fait à Tamino, du soi-disant enlèvement de Pamina par Sarastro, sonne parfaitement faux. L'outrance et la haine apparaissent tout au long du récit. La musique le souligne. C’est maintenant que la vérité sur Sarastro et la Reine de la Nuit nous est révélée.

Acte 1 Scène 6
La Reine est assise sur un trône orné d’étoiles brillantes. Les Mêmes.
La Reine de la Nuit :
Récitatif :
Oh, ne tremble pas, mon cher fils ! Tu es innocent, sage, pieux ; c’est un jeune homme comme toi qui peut le mieux consoler le profond chagrin de mon cœur maternel.
Air
Je suis condamnée à la souffrance, car ma fille me manque ; avec elle, j’ai perdu tout mon bonheur, un scélérat me l’a enlevée. Je la revois trembler, bouleversée de peur, frémir d’angoisse, se débattre sans audace. Sous mes yeux, elle me fut ravie, Ah, au secours ! c’est tout ce qu’elle m’a dit. Mais ses supplications furent vaines, car mon pouvoir était trop faible. Toi, tu iras la délivrer, tu seras son sauveur, si je te vois encore vainqueur, elle sera à toi pour l’éternité.
(Elle sort avec les 3 Dames. Le décors est à nouveau le même qu’au premier tableau)

La Reine de la Nuit a compris que Tamino est tombé amoureux de sa fille et elle va le lancer dans une quête dont elle espère que sa fille lui sera rendue et qu’elle prendra possession du « soleil aux sept auréoles ».
Il en va de même du chercheur de vérité qui est touché par un immense désir d'absolu.
Le monde essaiera toujours de « récupérer » cette force d'amour à des fins ordinaires.
Cependant, les trois dames réapparaissent bien vite, d'abord pour délivrer Papageno.

Acte 1 Scène 8
Les 3 Dames, Papageno, Tamino.
1ère Dame (à Papageno)
La reine te fait grâce.
(Elle lui ôte le cadenas qu’il avait sur la bouche.)
Par moi, elle te remet ta peine.

Car pendant toute cette phase préparatoire à l'initiation, il fallait que le naturel se taise, d'où le cadenas sur la bouche de Papageno, et que le chercheur agisse « en vérité », d'où cette recommandation faite à Papageno de ne plus jamais mentir.
Et maintenant, c'est avec toutes les ressources de sa personnalité naturelle donc, en compagnie de Papageno, que celui qui se lance sur un chemin d'accomplissement spirituel, Tamino, pourra réussir.
Papageno et Tamino sont indissolublement liés, chacun d'eux reçoit un instrument magique.
Une flûte pour Tamino et des clochettes pour Papageno. La Flûte « magique » permettra à Tamino de recevoir l'aide divine. Car elle a été fabriquée par le père de Pamina, Maître du domaine de l'Esprit. Cette précision, nous confirme l'origine divine de Pamina. Pamina, c'est la parcelle du divin, prisonnière de la personnalité et qui, jusqu'à sa rencontre avec Sarastro croît même appartenir à ce monde de la chute, être la fille de la Reine de la nuit. Et Tamino usera quatre fois de sa flûte :
  • d'abord pour appeler Pamina, mais il ne recevra pas de réponse, pas plus que le candidat aux mystères ne peut y pénétrer par un effet de sa volonté.
  • Ensuite pour manifester sa joie, et se rendre compte que le son de cet instrument « charme » les « hommes-sauvages » (selon une précision du livret et que les metteurs en scène transgressent toujours en figurant des animaux charmés par la flûte de Tamino). Il est fait allusion ici à la puissance du souffle divin sur l'homme de la masse, l'homme « animal », c'est à dire « animé » par les seules forces de ce monde, et qui devient réceptif à « autre chose » que sa vie naturelle.
  • Puis, après le début de son initiation, c'est à dire après avoir acquis quelques dons spirituels, lorsqu'il appelle à nouveau Pamina au second acte et que cette fois elle vient à lui, cette nouvelle âme-Esprit réveillée mais vis à vis de laquelle il doit encore demeurer silencieux.
  • Enfin Tamino utilisera les pouvoirs de son instrument pour franchir le monde des enfers (les épreuves du feu et de l’eau)
  • Papageno, lui, reçoit des clochettes et chaque fois qu'il s'en servira, ce sera pour résoudre un problème lié à l'aspect naturel de la personnalité du chercheur qu'il symbolise :
  • pour « apprivoiser » Monostatos au 1er acte et échapper à sa colère. Donc, lui imposer sa volonté qui pressentant sa défaite veut punir Pamina et Papageno.
  • pour « appeler » sa Papagena, son double au féminin. Le chercheur, sur son chemin, ne doit pas faire appel qu'à ses possibilités martiennes naturelles (Papageno), sa volonté supérieure, mais aussi posséder des qualités de coeur symbolisées par l'aspect vénusien de Papagena, l'amour véritable.
Ainsi donc tout est prêt pour le grand voyage initiatique.
Tamino a pris conscience de sa mission.
Il a dans son coeur la flamme de l'amour qui le pousse, le désir de l'accomplissement divin.
Il possède le moyen de vaincre, grâce à la magie gnostique : la flûte enchantée, dont il ne sait pas encore se servir. Papageno, l'aspect naturel du candidat est naturellement du voyage. Il ne manque qu'une indication au chercheur débutant : Où aller ? Où est le domaine de l'Esprit ? Comment ne pas se perdre ?
Tamino ne peut se tourner vers ses pouvoirs naturels pour le guider : Dans l'opéra, les trois dames se voilent la face et disparaissent. Alors apparaissent, venant du ciel, trois enfants, qui symbolisent trois nouveaux pouvoirs en croissance.
Le grand voyage commence donc pour Tamino et Papageno guidés par les nouvelles forces qui les animent.
L'opéra nous montre maintenant Pamina échappant à la convoitise de Monostatos, qui la veut pour lui seul, en invoquant le nom de Sarastro.
Elle se réfugie dans un bois de palmiers, ce qui dans la langue des mystères, signifie arriver à la limite au-delà de laquelle le champ de la résurrection de l'âme-esprit, lui est ouvert.
La rencontre qui survient alors, permet à Papageno de préparer Pamina à l'arrivée du prince Tamino qui vient pour la délivrer.

Acte 1 Scène 14
Papageno, Pamina.
Papageno :
Quel idiot je fais, de m’être laissé terroriser ! Il y a bien des oiseaux noirs sur terre, pourquoi pas aussi des hommes noirs ? Ah, voilà que la jolie demoiselle est encore là. Dis-moi, fille de la reine de la nuit…
Pamina :
Reine de la nuit ? Qui es-tu ?
Papageno :
Un messager de la reine flamboyante.
Pamina (avec joie) :
De ma mère ? Oh, quel bonheur ! Dis-moi ton nom !
Papageno :
Papageno
Pamina :
Papageno ? Papageno… Je me souviens avoir souvent entendu ce nom, mais toi, je ne t’ai jamais vu.
Papageno :
Ni moi non plu.
Pamina :
Ainsi tu connais ma bonne et tendre mère ?
Papageno :
Si tu es vraiment la fille de la reine de la nuit – oui !
Pamina :
Oh oui, c’est moi.
Papageno :
Je vais vérifier cela tout de suite. (Il regarde le portrait qui a d’abord été remis au prince et qu’il porte à présent pendu à un ruban autour du cou). Les yeux noirs – exact, noirs – les lèvres rouges – exact, rouges – cheveux blonds – cheveux blonds. Tout concorde, sauf les mains et les pieds. A en croire le portrait, tu ne devrais avoir ni mains, ni pieds, car là-dessus ils ne sont pas indiqués.
Pamina :
Tu me permets – Oui, c’est moi. Comment se fait-il qu’il soit entre tes mains ?
Papageno :
Ce serait trop long à te raconter. Il est passé de mains en mains.
Pamina :
Mais comment a-t-il abouti dans les tiennes ?
Papageno :
D’une manière miraculeuse. Je l’ai capturé.
Pamina :
Capturé ?
Papageno :
Il faut que je te raconte cela plus en détail. Ce matin, je me suis présenté, comme d’habitude, au palais de ta mère avec ma livraison…
Pamina :
Livraison ?
Papageno :
Oui. Depuis des années, c’est moi qui livre à ta mère et à ses dames tous les beaux oiseaux du plaisir. Juste comme je m’apprêtais à remettre mes oiseaux, j’ai vu devant moi un homme qui se fait appeler prince. Ce prince a su plaire à ta mère, au point qu’elle lui a fait cadeau de ton portrait et lui a commandé de te délivrer. Sa décision a été instantanée, tout comme son amour pour toi.
Pamina :
Amour ? (avec joie). Il m’aime donc ? Oh, dis-le moi encore une fois, j’aime tant entendre le mot amour.

C’est l'aspect naturel de la personnalité qui prend conscience en premier de la possibilité de renaissance endormi en nous.
Le récit nous montre ensuite Tamino arrivant, conduit par les trois enfants.

Changement de tableau
Le décor représente un bois sacré. Tout au fond de la scène, on aperçoit un beau temple sur lequel sont inscrits ces mots : « Temple de la Sagesse ». Ce Temple donne accès, par un péristyle, à 2 autres temples ; sur celui de droite, on lit : « Temple de la Raison » ; sur celui de gauche : « Temple de la nature ».

Acte 1 Scène 15
3 Enfants font entrer Tamino, chacun d’eux a une palme d’argent à la main.
Les 3 enfants :
Jeune homme, cette voie te mène au but, mais tu devras vaincre en homme. Ainsi écoute nos conseils : sois ferme, patient et discret.

Des conseils de comportement sont donnés à Tamino.
Tant il est vrai que le candidat aux mystères a besoin d'être exhorté fermement : « Sois un homme et tu vaincras en homme ».
Ces questions-réponses ressemblent à celles entre le Vénérable-Maître et l’impétrant au seuil de sa première entrée dans le Temple.
Le chemin de l'initiation passe obligatoirement par une véritable connaissance de soi.
Rappelons-nous ce qui était inscrit au fronton du temple de Delphes : « Homme, connais-toi toi-même et tu connaîtras l'Univers et les Dieux ». Pour prendre cette décision, on ne peut être que seul.
Quel temple choisir, se demande Tamino ? Le temple de la Nature, celui de la Raison ou celui de la Sagesse ?
Mais pour lui, il n'est qu'une voie possible : celle du cœur.

Acte 1 Scène 15
Le Prêtre :
Téméraire étranger, où veux-tu aller ? Que cherches-tu dans ce sanctuaire ?
Tamino :
Je voudrais acquérir l’Amour et la Vertu.

Et notez bien qu'il ne répond pas « Pamina » !
C'est à cet endroit précis du récit que pour le spectateur non averti, l'histoire de l'opéra de Mozart « déraille ». On était confortablement installé dans une histoire naturelle d'amour et tout à coup le ton change, la musique change elle aussi de tonalité, elle se fait solennelle. On pénètre dans un récit d'une haute portée spirituelle. Les explications qui ont précédé nous ont préparé à suivre maintenant Tamino, l'aspect le plus noble du chercheur de vérité, sur la voie des mystères.
Dans le dialogue que Tamino engage avec l'Orateur, sur le seuil du temple de la Sagesse, une partie de la vérité lui est dévoilée.

Acte 1 Scène 15
Le Prêtre :
Une femme t’a donc abusé, une femme agit peu, parle beaucoup. Et toi, jeune homme, tu crois à ces bavardages ? O puisse Sarastro t’exposer les mobiles.

Oui, Sarastro règne sur le monde de l'Esprit. Non, Sarastro n'a pas enlevé Pamina. Oui, la Reine de la Nuit a abusé Tamino.
Pourquoi ce mystère ? Impossible de le révéler à qui n'a pas apporté la preuve qu'il en est digne.
Désespoir du candidat aux mystères qui ne reçoit aucune assurance sur sa recherche.
Ici, on ne prononce pas le nom de Pamina mais on invoque la force qu'elle représente. Ainsi le candidat est maintenant introduit dans le mystère de l'âme-esprit. Pamina, l'âme-esprit, n'a été soustraite aux desseins du monde naturel que pour être protégée et attendre d'être délivrée par l'amour d'une personnalité qui se voue à sa recherche.
Et le chercheur qui invoque alors l'aide divine, reçoit une première réponse.
Tamino joue de sa flûte magique et Pamina court vers lui, toujours accompagnée de Papageno.

Acte 1 Scènes 16 et 17 après que Tamino ait appelé Pamina en jouant de la flûte.
Papageno, Pamina délivrée de ses fers
Tous les 2 :
Y a-t-il plus grande joie ? Notre ami Tamino nous entend déjà ; le son de sa flûte est venu jusqu’ici. Quel bonheur si je le trouvais. Courons vite ! Courons vite !

Mais c'était sans compter avec l'ennemi intérieur de toujours, Monostatos, celui qui veut que rien ne change, qui va se saisir des deux fugitifs quand brusquement, il est neutralisé par le son des clochettes de Papageno, qui symbolisent l'harmonie.
Entre alors, Sarastro en cortège solennel. C'est là, sa première apparition.

Acte 1 Scène 18
Cortège de la suite de Sarastro. Celui-ci paraît en dernier, sur un char tiré par 6 lions. Les mêmes.
Chœur :
Vive Sarastro ! Longue vie à Sarastro ! C’est lui que nous révérons avec joie ! Puisse toujours ce sage jouit de la vie, c’est notre dieu, nous lui sommes tous voués.
(Ce chœur est répété jusqu’à ce que Sarastro descende de son char.)
Pamina : (s’agenouillant)
Maître, je suis coupable, j'ai voulu fuir ta puissance. Mais la faute n'en est pas à moi. Le méchant Maure voulait m'imposer son amour. C'est pour cela, Maître, que je t'ai fui.
Sarastro :
Relève-toi, rassure-toi, chère enfant ! Car sans chercher à percer on secret, je sais lire en ton cœur : pour un autre, tu as un vif amour. Je ne veux pas te forcer à aimer, mais je ne te rends pas la liberté.

Pamina découvrira la supercherie et se jette, à la fin du premier acte, aux pieds de Sarastro. Non seulement il excuse la fuite de Pamina mais il lui révèle seulement maintenant, que c'est à dessein et pour son bien, qu'il la retient loin de sa mère.

Acte 1 Scène 18
Sarastro :
Reste en mon pouvoir. Il t’en coûterait ton bonheur si je te laissais entre ses mains (de la Reine de la Nuit)
Tamino, conduit par Monostatos, se trouve pour la première fois en présence de Pamina.

Il y a « reconnaissance » mutuelle et un premier lien s'établit entre eux.

Acte 1 Scène 19
Monostatos amène Tamino. Les mêmes
Monostatos :
Eh bien, fier jeune homme, viens ici, voici Sarastro notre seigneur.
Pamina :
C’est lui.
Tamino :
C’est elle.
Pamina :
C’est lui.
Tamino :
Ce n’est pas un rêve !
Sarastro punit le Maure Monostatos de 77 coups de bâtons.

En d'autres termes, on retrouve ici l'instant de la première liaison entre les deux centres de conscience :
  • de la tête : jusqu'ici la recherche de Tamino était en effet encore très « théorique »,
  • et du cœur, siège de l'âme-esprit en devenir.
Le temps des épreuves va maintenant commencer et Sarastro ordonne de voiler la tête des deux héros, Tamino et Papageno et de les conduire au Temple. Là encore, il y a une allusion au rituel maçonnique quand les impétrants pénètrent dans le temple les yeux bandés.

Fin du premier acte.

Cosmogonie du livret de la Flûte Enchantée

Cette cosmogonie est faite de plusieurs dualités :
  1. Première Dualité Soleil – Lune :
  • Sarastro : Il est le symbole statique de l’homme, du bien. Il ne connaît pas la passion. En gardien du domaine de l’Esprit, il a succédé au père de Pamina qui en était le Maître. Il est symbolisé par le Soleil.
  • La Reine de la Nuit : Elle est le symbole du mal, de la révolte de la femme contre la suprématie du « sexe-fort ». Elle est symbolisée par la Lune.
  1. Deuxième Dualité Feu – Eau :
  • Tamino : Destiné à former le couple dans la plus haute acceptation du terme grâce à l’amour lui faisant surmonter les épreuves de l’initiation, il est symbolisé par le Feu. Il joue de la Flûte magique, symbole d’Air ; fabriquée sous l’averse (eau) au bruit du tonnerre (terre) et à la lueur des éclairs (feu), elle réunit les 4 éléments, d’où sa perfection.
  • Pamina : Complémentaire de Tamino, elle est le moteur de leur initiation commune. Elle changera de monde en passant du règne de la nuit à celui du jour, du Soleil, par l’amour et par l’initiation. Elle est symbolisée par l’Eau.
  1. Troisième Dualité Air – Terre :
  • Papageno : L’oiseleur figure l’humanité « ordinaire » pleine de bonne volonté mais sans courage et sans intelligence donc indigne d’être initié. Il est au service de la Reine de la Nuit mais, son voyage avec Tamino lui permettra de passer dans le règne du jour. Il est typiquement symbolisé par l’Air. Il joue du Glockenspiel, instrument du signe de Terre qui a une action irrésistible sur Monostatos et lors de l’épreuve de la Terre de Tamino.
  • Monostatos le Maure : Il est le seul homme du Royaume de la Nuit après sa trahison (il fait le chemin inverse à Papageno). Sa noirceur de Maure est l’état civil traditionnel des gardiens d’esclaves. Elle évoque l’obscurité de la Terre qu’il symbolise.
  1. Personnages secondaires et autres symboles :
  • Papagena : Malgré la frivolité du rôle, elle fait partie d’un ensemble de symboles et elle subit à sa façon les mêmes épreuves que les autres. Ce n’est qu’une fois ceux-ci terminés qu’elle pourra apparaître à l’oiseleur dans la fraîcheur de son apparence. Mais n’est-ce pas là l’illusion de l’homme échauffé par le vin et le désir ?
  • Les 3 Dames : Elles sont les messagères de la Reine de la Nuit. Elles sont la symétrie féminine représentant l’ordre des Mopses en s’opposant à la Franc-Maçonnerie masculine d’Hiram (Temple de Sarastro). Elles sont initiées, le début de l’Opéra est bourré d’allusions au rituel féminin des Loges d’adoption (le serpent que tuent les Dames, les oiseaux que Papageno leur vend, le cadenas qu’elles lui appliquent sur la bouche,…) mais n’accéderont jamais à la Connaissance parfaite.
  • Les 3 Enfants : Ils sont le pendant adverse des 3 Dames puisque leur tôle est justifié par l’incapacité de celles-ci à remplir la mission dont ils sont chargés. Mais ils sont aussi 3, âge symbolique de l’apprenti et manient l’équerre, la règle ou le compas. Ils sont annoncés comme « beaux, gracieux et sages » ce qui correspond aux 3 colonnettes du Temple : « Force, Beauté, Sagesse ». Une seule de ses vertus leur fait défaut : la force, remplacée par la grâce, conséquence de leur jeune âge.
  • Les 2 Prêtres et l’Orateur : Il s’agit de fonctions réelles de la hiérarchie maçonnique dans une Loge, même si le mot « prêtre » est adapté à l’affabulation égyptienne. L’Orateur a conservé son nom et sa fonction qu’il cumule avec celle d’Expert.
  • Les Hommes armés : La traduction est fausse car il s’agit plus « d’hommes revêtus d’une armure ». Celle-ci est noire et le feu brûle sur leur casque. Gardiens du Feu et de l’Eau, ils en portent les attributs (le Feu est explicite, l’Eau est figurée par l’une des couleurs correspondantes). L’armure en elle-même correspond au cliquetis d’armes du rituel lors de l’épreuve du Feu « emblème, dit Jules Boucher, des combats que l’homme est constamment forcé de soutenir ».
  • Le Serpent : Il est symbole de la tentation, coupé en 3 (symbole masculin) par le javelot d’argent (symbole féminin) des 3 Dames.
  • Le Cadenas : Appliqué à Papageno, à ce moment au service du Royaume de la Nuit, il faisait partie du rite de l’élévation féminine au grade de compagnon dont on scellait la bouche avec une truelle pour les mettre en garde contre le bavardage.
  • Le Portrait : Tamino aborde grâce à lui l’amour véritable. Il contemple son aimée. Mais à travers elle, sans doute aussi lui-même puisque c’est grâce à elle qu’il aura le courage d’affronter les épreuves. On peut donc y voir une analogie certaine avec la scène du miroir de l’initiation maçonnique.

L'intrigue de la Flûte Enchantée

Acte I - Dans une nature sauvage, le prince Tamino, poursuivi par un serpent, est sauvé par trois dames, suivantes de la Reine de la Nuit. Papageno, apparu entre-temps, se vante auprès de Tamino d'avoir tué le serpent. Les dames lui ferment la bouche avec un cadenas, puis remettent à Tamino le médaillon représentant Pamina, fille de la Reine de la Nuit, et lui expliquent que Sarastro retient celle-ci prisonnière. La Reine de la Nuit apparaît et promet à Tamino la main de sa fille s'il parvient à la délivrer. Les trois dames libèrent Papageno de sa punition et l'envoient accompagner Tamino au château de Sarastro, après avoir confié à ce dernier une flûte magique et, à Papageno, un jeu de clochettes magiques. Dans le château, le geôlier Monostatos a déjoué le plan de fuite de Pamina. Papageno parvient cependant à entraîner celle-ci en la protégeant grâce aux clochettes. Tous deux chantent la toute-puissance de l'amour. Les trois enfants conduisent Tamino devant trois temples. Tamino joue de la flûte et charme les « hommes-sauvages », attirant ainsi l'attention de Pamina et de Papageno. Sarastro, qui a capturé Tamino, apparaît alors. Pamina se jette à ses pieds. Sarastro la rassure. Puis il punit Monostatos. Tamino et Pamina, qui se voient pour la première fois, sont émerveillés l'un par l'autre, mais on les sépare pour conduire Tamino et Papageno dans le temple des épreuves.
Acte II - Sarastro confie son dessein aux prêtres réunis : faire de Tamino et de Pamina le couple royal destiné à lui succéder. Il faut pour cela soumettre le jeune prince a de dures épreuves initiatiques après lui avoir ordonné de garder le silence. La première épreuve sera celle de la Terre. Tamino oppose un mutisme impassible aux paroles des trois dames venues l'avertir des prétendus dangers qui le menacent s'il reste sous l'emprise de Sarastro. Monostatos s'approche de Pamina endormie pour lui voler un baiser, quand apparaît la Reine de la Nuit qui le chasse et incite sa fille à tuer Sarastro. Monostatos surprend leur conversation et veut échanger son silence contre la possession de Pamina. Papageno voit apparaître une vieille femme qui lui dit être sa promise. Afin de ne pas rester seul, il accepte de l'épouser. La vielle femme se transforme alors en une jeune et jolie Papagena. Persuadée que Tamino ne l'aime plus, Pamina veut se tuer, mais les trois enfants retiennent son geste. Tamino et Papageno vont passer l’épreuve de l’air. Trois enfants apportent les clochettes et la flûte, au son de laquelle Tamino et Pamina se soumettront aux dernières épreuves : la traversée de l'eau et du feu. Papageno ne sera pas admis en tant qu'initié, mais il gagnera le coeur de sa Papagena, qui l'aide à sortir du temple avant de disparaître. Pamina est sauvée par les trois enfants qui la mènent à Tamino. Une dernière tentative de la Reine de la Nuit et de Monostatos pour faire échouer les projets de Sarastro est vouée à l'échec. Celui-ci consacre l'union de Tamino et Pamina dans la beauté et la sagesse à la gloire d’Isis et d’Osiris.

Le contexte historique de La Flûte Enchantée

Die Zauberflöte (littéralement : « La Flûte Magique », ou plutôt « ayant un pouvoir d'enchantement ») fut créée le 30 septembre 1791, deux mois avant la mort de Mozart sous la direction du compositeur lui-même dans le petit théâtre de la banlieue de Vienne dirigé par Schikaneder. Schikaneder y joua le rôle de Papageno et Josepha Horfer, la sœur aînée de Constance, la femme de Mozart, celui de la Reine de la Nuit. A la fin de l'année suivante, la « Flûte Enchantée » compte déjà 100 représentations. Avant 1800, l'œuvre est jouée dans une centaine de villes.
Suite à la proposition de E. Schikaneder (qui vient d’avoir un gros succès commercial) de créer un opéra en allemand, Mozart se met au travail en mars 1791 étant aux abois. Le sujet de l'opéra, emprunté aux « Contes orientaux » de Wieland, n'était pas en soi très original. Le livret est officiellement d’Emmanuel Schikaneder (1751-1812), ancien franc-maçon, acteur, metteur en scène et directeur du « Theater auf der Wieden » de Vienne. Il avait été exclu de la Franc-Maçonnerie le 4 mai 1789, sans y avoir dépasser le grade de compagnon. Mozart et Schikaneder s’étaient rencontrés en septembre 1780 à Salzbourg où l’acteur-directeur d’une troupe ambulante avait loué quelques semaines le théâtre municipal. Il avait demandé alors à Wolfgang d’écrire pour sa troupe quelques airs en échange d’une entrée gratuite et permanente pour toute la famille Mozart.
« La Flûte Enchantée » allie la forme populaire du Singspiel, faisant alterner les dialogues parlés et le chant, avec la forme la plus élevée du drame philosophique, et, au travers d'un canevas unissant trame maçonnique et épisodes comiques, concilie musique savante et musique populaire, on peut facilement imaginer que von Born, Franc-Maçon très influent de Vienne et ami de Mozart, a largement suggéré les idées, Schikaneder les a découpées en canevas et rédigea les scènes comiques alors que Johann Georg Metzler dit Giesecke (autre maçon qui était le bras droit de Schikaneder) rédigeait les scènes sérieuses, le tout en collaboration intime avec Mozart. Les auteurs introduisent dans le texte, des rites, idéaux et symboles d’inspiration maçonnique. Mais la véritable magie de l’œuvre revient essentiellement à la qualité de la musique qui va jusqu’à utiliser, avec la science et le bonheur que l’on sait, chorals protestants et chansons populaires.
De la « Flûte Enchantée », Goethe disait : « Il faut plus de savoir pour reconnaître la valeur de ce livret que pour la nier. (...) Il suffit que la foule prenne plaisir à la vision du spectacle : aux initiés n'échappera pas, dans le même temps, sa haute signification. » Le livret peut, en effet, se lire tout simplement comme une belle histoire féerique ou comme un parcours initiatique si l'on possède les clefs des rites maçonniques.
Le sujet de l'opéra est l'éducation de l'être humain à accéder à une moralité plus élevée en acquérant sagesse, amour et bonté. C’est aussi l’aboutissement de l’égalité entre la femme et l’homme issue de l’opposition des 2 sexes. Les obstacles qu'il doit surmonter sont le prix à payer pour accéder à la connaissance et à l'amour. La vie est la lutte de la lumière avec l'obscurité, du bien avec le mal, du rationalisme avec la superstition, du matriarcat avec le patriarcat ce qu’on illustre dans nos loges par le pavé mosaïque.
La musique de Mozart rapproche ces contraires, unit ces oppositions et forme ainsi une charpente, celle de l'être humain tout simplement. La « Flûte » est le terme d'un voyage de découvertes que Mozart venait de faire à travers son siècle, la somme de toutes ses inspirations, de la plus populaire à la plus majestueuse.

Mozart, compositeur des Lumières

Le 27 janvier 1756 à Salzbourg, naquît Johannes-Chrysostomus-Wolgang-Gottlieb Mozart. Il traversa la fin du XVIIIème siècle et marqua son époque par sa personnalité et par son œuvre.
Chacun sait que Wolfgang-Amédéo Mozart fut un des plus grands compositeurs que la Terre ait portée après avoir été un enfant prodige exhibé dans toutes les cours d’Europe. Beaucoup savent qu’il a été un Franc-Maçon assidu. Mais qui était Mozart ? Un compositeur génial et fou comme nous le présente le film « Amadeus » ? Un compositeur léger comme osent le prétendre certains ? Pas du tout, le film est bien loin de la vérité historique et Mozart fut beaucoup plus profond qu’il y paraît. Mais encore faut-il y prêter suffisamment attention et savoir le décoder.
Mozart fut sensibilisé très jeune aux idéaux démocratiques qui soufflaient sur l’Europe à cette époque grâce à l’esprit des Lumières. Plusieurs événements ont progressivement dirigé Wolfgang vers la franc-maçonnerie, à l’époque considérée comme une sorte de confrérie très charitable et généreuse avec les démunis. Les épreuves qu'il traversa le poussèrent à se questionner, à l'âge où les enfants sont insouciants.
Le Prince-Archevêque de Salzbourg Colloredo, son premier protecteur avec qui Mozart, trop indépendant, eut des relations houleuses, aurait lui-même été maçon. A 11 ans, Wolfgang a subit de nombreuses maladies assez graves pour l’époque dont la petite vérole. Il adressa à son médecin, une ariette en remerciement sur un texte maçonnique (fourni soit par le médecin lui-même soit par le curé d’Olmütz). L’année suivante il fit jouer « Bastien Bastienne », parodie en vaudeville du « Devin de village » de J.J. Rousseau, dans les jardins du Docteur Mesmer, lui aussi maçon, son commanditaire. A 16 ans, il composa une aria sur les paroles d’un hymne rituel (O heiliges band). En 1773, il est choisi par Gebler, haut dignitaire maçon, pour écrire la musique du drame maçonnique « Thamos » après la défection d’un autre compositeur maçon : Glück. Dans cette œuvre, on y relèvera certaines analogies avec « La Flûte Enchantée ». Quand il vint à Paris en 1778, c’est avec la recommandation de von Gemmingen pour les maçons de la capitale française. Le même Otto von Gemmingen fut son librettiste de « Sémiramis » (1778), adaptation de la tragédie de Voltaire (maçon). Mozart souhaitait alors faire ressortir, par le biais de ses créations musicales, et de manière claire, que la laideur des sentiments (dissonance) ne put se résoudre que par l’harmonie des cœurs (consonance). Ce fut aussi sa manière d’appréhender le pavé mosaïque. Il considérait que seules les lois de l’esthétique peuvent contenir le bien et le mal.
Mozart fut donc, bien qu’encore profane, déjà sérieusement éclairé, son esprit s’éleva vers une philosophie d’ordinaire inaccessible aux jeunes de son âge. Dès « Zaïde » (1780) et « L’enlèvement au Sérail » (1782), l’œuvre de Mozart renvoie à un courant de pensée, celui auquel « les Lettres Persanes » de Montesquieu (maçon) avaient donne le branle dès 1721. « L’enlèvement au Sérail » comporte déjà de nombreux éléments qui soulignent l’esprit de liberté anglaise, par le personnage de Blonde.
En 1781 Mozart était à Vienne, sous la protection de l’empereur Joseph II, lui-même maçon et protecteur de la Franc-Maçonnerie. Wolfgang se lia aux maçons du cercle de la comtesse Thun où dominait le courant rationaliste et progressiste qui devint celui des Illuminés et propagea ultérieurement les idées révolutionnaires.
Toutes les hésitations de Mozart s’entendent parfaitement dans l’Andante du quatuor à cordes K 428. Enfin décidé, Wolfgang fut, tout naturellement, initié à la Loge « La Bienfaisance » à Vienne le 14 décembre 1784. C’est son ami de longue date Otto von Gemmingen qui en était le Vénérable-Maître. Son entrée dans la vie maçonnique, par la conjonction du Rituel, de la tradition et du symbole porta Mozart vers la Lumière. A l’issue de cette cérémonie, Wolfgang ne fut plus jamais le même. Quoi qu’il advenait, il était Franc-maçon et cela ne peut pas être effacé. Sa production musicale fut encore modifiée, enrichie par les nouveaux symboles auxquels il eut désormais accès.
Sur les colonnes il allait rencontrer des FF∴ tels que Goethe (fervent Mozartien), Herder, von Born (qui lui inspira le rôle de Sarastro dans « la Flûte Enchantée »). Mozart fut aussi l’inspirateur de l’initiation de son père Léopold et de son ami Joseph Haydn. Il fréquentait avec une même assiduité sa propre loge et celle d’Ignaz von Born. Le 10 janvier 1785, Wolfgang composa le quatuor à cordes (K464) dont l’andante se rapporte au rituel de réception. Quatre jours après son exaltation à la maîtrise qui eut lieu le 13 janvier 1785, il composa un quatuor à cordes (K465) « Les Dissonances » qui se réfère au grade de compagnon.
Il développa ses idées dans une collaboration très étroite, pour 3 de ses opéras majeurs, avec le librettiste Lorenzo Da Ponte. Destiné au sacerdoce, sur l'initiative de son père, Da Ponte, né en 1749, devient abbé sans pour autant renoncer aux plaisirs amoureux qui jalonnèrent sa longue existence. Eveillé à la poésie grâce à l'œuvre de Dante, il aimait tout d'abord les femmes en trompe-l'œil avant de devenir un insatiable libertin et était l’ami de Casanova, lui aussi maçon.
Da Ponte écrivit le livret des « Noces de Figaro » d’après Beaumarchais. Cette œuvre, où soufflait une réelle revendication sociale égalitaire, était considérée en 1786 comme responsable des troubles agitant la France. Mozart a horreur des classes sociales, des différences flagrantes entretenues entre les aristocrates et le petit peuple. Il choisit ces opéras pour dénoncer les injustices qui le rendent malade. Mozart est, avant Beethoven, le premier compositeur révolutionnaire. Un an plus tard, le duo Da Ponte-Mozart fut confirmé dans une œuvre contenant une réelle critique sociale : « Don Giovanni ». Leur collaboration se termina en 1790, alors que la Révolution Française venait d’éclater, par « Cosi fan tutte », œuvre imposée par l’empereur, mais où Da Ponte et Mozart surent faire ressortir les idées qui leur tenaient à cœur, malgré la pauvreté du sujet.
Mozart voulu ouvrir une Loge accessible aux femmes pour son épouse Constance : elle aurait dû s’appeler « Grotta ». Il ne put réaliser ce souhait avant son décès.
Quant à « La Flûte Enchantée » (1791), si bien accueillie par Goethe, le librettiste officiel fut Emmanuel Schikaneder (maçon exclu en 1789 pour liberté de mœurs). On peut facilement imaginer que von Born a largement suggéré les idées, Schikaneder les a découpées en canevas et rédigea les scènes comiques alors que Johann Georg Metzler dit Giesecke (autre maçon qui était le bras droit de Schikaneder) rédigeait les scènes sérieuses, le tout en collaboration intime avec Mozart. Wolfgang y développe aussi une égalité qui lui tient à cœur : l’égalité initiatique de la femme à venir grâce au rôle de Pamina. Cet ultime opéra majeur est dans sa totalité lié au symbolisme et au rituel maçonnique avec une moralité évidente que Mozart a cultivé tout au long de sa vie et particulièrement sur les colonnes. Le cadre fantastique de « La Flûte » n’est qu’un prétexte et cet opéra a conquit dès ses premières représentations tous les publics pour la raison qu’il peut être vu soit comme un conte de fée, soit comme une comédie bouffe, soit comme une tirade philosophique soit comme une initiation maçonnique. Son cadre, l’Egypte, son apothéose à la gloire d’Isis et Osiris, les 4 épreuves (terre, air, eau, feu), le nom même de Sarastro inspiré de Zoroastre ne peut pas laisser planer le moindre doute. « La Flûte Enchantée » peut être considérée à plus d’un titre comme le testament philosophique du F∴ Mozart.
Peu après, les frères se réunirent en tenue funèbre à l’occasion du décès du au syndrome de Schoenlein-Henoch, le 5 décembre 1791, de leur cher frère passé à l’Orient Eternel ; une oraison funèbre fut imprimée et lue devant tous les frères par Carl Philipp Hensler :
« Le Grand Architecte de l’Univers vient d’enlever à notre Chaîne fraternelle l’un des maillons qui nous étaient les plus chers et les plus précieux. Qui ne le connaissait pas ? Qui n’aimait pas notre si remarquable frère Mozart ? Il y a peu de semaines, il se trouvait encore parmi nous, glorifiant par sa musique enchanteresse l’inauguration de ce Temple. Qui de nous aurait imaginé qu’il nous serait si vite arraché ? Qui pouvait savoir qu’après trois semaines, nous pleurerions sa mort ? C’est le triste destin imposé à l’Homme que de quitter la vie en laissant son œuvre inachevée, aussi excellente soit-elle. Même les rois meurent en laissant à la postérité leurs desseins inaccomplis. Les artistes meurent après avoir consacré leur vie à améliorer leur Art pour atteindre la perfection. L’admiration de tous les accompagne jusqu’au tombeau. Pourtant, si des peuples pleurent, leurs admirateurs ne tardent pas, bien souvent, à les oublier. Leurs admirateurs peut-être, mais pas nous leurs frères ! La mort de Mozart est pour l’Art une perte irréparable. Ses dons, reconnus depuis l’enfance, avaient fait de lui l’une des merveilles de cette époque. L’Europe le connaissait et l’admirait. Les Princes l’aimaient et nous, nous pouvions l’appeler : « mon frère ». Mais s’il est évident d’honorer son génie, il ne faut pas oublier de célébrer la noblesse de son cœur. Il fut un membre assidu de notre Ordre. Son amour fraternel, sa nature entière et dévouée, sa charité, la joie qu’il montrait quand il faisait bénéficier l’un de ses frères de sa bonté et de son talent, telles étaient ses immenses qualités que nous louons en ce jour de deuil. Il était à la foi un époux, un père, l’ami de ses amis, et le frère de ses frères. S’il avait eu la fortune, il aurait rendu une foule aussi heureuse qu’il l’aurait désiré. »
On est loin de la légende d'un Mozart méconnu, méprisé, pauvre et mort dans le dénuement. En 1791, Wolfgang avait perçu plus de 6 000 florins en plus de son salaire à la cour, salaire qui était proche de celui de Salieri, compositeur officiel à la Cour. Mais Mozart avait des dettes (de jeu ?) et ses amis maçons après sa mort eurent à coeur de rétablir très vite la situation financière de sa veuve par quelques concerts sur souscription et la vente de manuscrits du Maître. Abordons enfin le mythe de l’enterrement du compositeur avec l’image de la tempête de neige, du cortège dispersé et de la fosse commune. Il est établit qu’un de ses frères a conseillé à sa veuve l’enterrement le plus économique possible. Mozart eut une sépulture et le bulletin météo de l’époque nous indique qu’il faisait « un temps doux avec brouillard fréquent » et une température variant entre « + 2,6° et + 3° » avec un « vent d’est faible ». L’éloignement de la tombe de Mozart est dut à ce que sa paroisse à Vienne était dépourvue de cimetière, or une épidémie de choléra venait de sévir dans cette ville peu de temps avant la mort de Mozart. Or, un décret impérial interdisait à quiconque de suivre l'enterrement de toute personne morte de maladie inconnue si le cimetière n'était pas attenant à l'église. Reste l’oubli dans lequel sa tombe fut tenue par sa veuve Constance, vite et bien remariée à Georg Nissen, diplomate Suédois.
D'ailleurs, Wolfgang n'était pas un homme isolé. Il vivait entouré de ses amis maçons.
Nous venons de le voir, Wolfgang-Amadeus Mozart a vécu cette fin de XVIIIème siècle dans l’avant-garde de la philosophie des Lumières. Il fut épris de liberté, d’égalité et de fraternité. Mais pour lui, ce ne furent pas de vains mots. Il mit toute sa vie en conformité avec ses idées novatrices. Wolfgang refusa d’être considéré comme un domestique en étant le premier compositeur indépendant ce qui lui priva d’un certain confort financier. Toute la musique qu’il composa est empreinte de ses aspirations. Son engagement en Franc-Maçonnerie fut un prolongement de ses idéaux les plus nobles et lui permit d’attendre la mort en toute sérénité. Non seulement doué et génial, franc-maçon généreux, compositeur respecté et admiré, fils respectueux, père et mari affectueux, il chercha toujours à concrétiser son travail intérieur. Mozart était de ces esprits éclairés dont cette époque d’asservissement fut si riche en vivant en homme libre.