vendredi 5 janvier 2007

Commentaires personnels

Mozart n’a pas été seulement le musicien de l’entreprise, mais aussi celui par qui la Zauberflöte, seule de son espèce, le lot des innombrables Singspiels sans intérêt. Elle est destinée à devenir, non seulement par la splendeur de sa musique, mais aussi par les ambitions de son livret, et quelles que soient dans celui-ci les maladresses de réalisation, l’un des monuments durables de l’esprit humain.
Il est certain que les rapports entre les Loges Régulières des hommes et les Loges d’Adoption des femmes furent tendus ce qu’illustre la dualité homme-femme, 3 contre 5, dans la Flûte Enchantée. « La Maçonnerie, dit un rapport de 1841, qui ne peut se propager que par la persuasion, a besoin des femmes pour être florissante ; loin de les avoir pour auxiliaires, elle est obligée de lutter incessamment contre elles. » A Mozart d’aller plus loin dans l’apaisement des rapports entre hommes et femmes dans son opéra.
Les spectateurs non-initiés sont surpris par le changement de rôles entre l’acte I et II concernant Sarastro et la Reine de la Nuit : à l’acte I, la Reine de la Nuit se fait présenter par les 3 Dames à son service comme représentant le bien (elle pleure l’enlèvement de sa fille Pamina par l’immonde Sarastro représentant le mal) ; à l’acte II, nous découvrons alors un Sarastro Sage représentant le bien qui initie Tamino et Pamina et une Reine de la Nuit ivre de colère et d’orgueil représentant le mal. Est-ce une erreur des auteurs dans leur précipitation comme semblent le penser les non-initiés ? Ou s’agit-il, de la part des auteurs, de donner une leçon à ceux qui peuvent la déceler ? Je pense qu’ils nous invitent à réfléchir à nous méfier des apparences, nous engagent à toujours garder éveillé notre sens critique, bref à ne croire que ce que l’on voit et pas tout ce que l’on peut nous raconter surtout quand on joue sur notre émotionnel.
Mozart développe dans son opéra une égalité qui lui tient à cœur : l’égalité initiatique de la femme à venir grâce au rôle de Pamina. (il avait voulu en son temps créer une loge initiant des femmes pour Constance) Grâce à elle, la Femme subit une transformation notable dans « La Flûte Enchantée » : au début, elle appartient à un monde inférieur que symbolise la Nuit. Sarastro commence par l’en arracher fût-ce contre son gré (en l’enlevant). L’amour lui fera affronter les mécomptes de Monostatos mais elle résiste. Elle affrontera aussi le silence de l’être aimé lors de son travail de purification. Mais elle garde confiance jusqu’à affronter, avec Tamino les épreuves les plus redoutables et en sortent vainqueurs pour être aptes à dominer le monde de leur sagesse. Le règne du père de Pamina ignorait la crise des sexes ; celle-ci est née de leur division (le monde est partagé entre la Reine de la Nuit et Sarastro). Par l’union de Tamino et de Pamina le conflit sera résolu et un nouvel âge d’or pourra s’ouvrir au monde, c’est le 3ème ère que Mozart appelle de ses vœux à travers « La Flûte Enchantée ». En étant unie à l’Homme élu (Tamino), Pamina formera avec lui le couple Parfait où la Femme sera l’égale de l’Homme dans sa complémentarité.
Papageno et Papagena passeront les épreuves de la Terre et de l’Air mais s’arrêteront là. Ils ignoreront la joie des initiés, mais seront heureux de se contenter de peupler la Terre d’une multitude de petits Papagenos et de petites Papagenas, ce qui n’est pas sans une cruelle ironie satirique vu la médiocrité de ce qu’ils représentent.
A travers la Flûte Enchantée, Mozart nous offre son témoignage chaleureux de son enthousiasme prosélyte.
Par le symbolisme et l’avancée sociale que le compositeur, digne avant-gardiste des Lumières, a voulu y renfermer, « La Flûte Enchantée » peut être considérée à plus d’un titre comme le testament philosophique de Mozart.

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