vendredi 5 janvier 2007

Mozart, compositeur des Lumières

Le 27 janvier 1756 à Salzbourg, naquît Johannes-Chrysostomus-Wolgang-Gottlieb Mozart. Il traversa la fin du XVIIIème siècle et marqua son époque par sa personnalité et par son œuvre.
Chacun sait que Wolfgang-Amédéo Mozart fut un des plus grands compositeurs que la Terre ait portée après avoir été un enfant prodige exhibé dans toutes les cours d’Europe. Beaucoup savent qu’il a été un Franc-Maçon assidu. Mais qui était Mozart ? Un compositeur génial et fou comme nous le présente le film « Amadeus » ? Un compositeur léger comme osent le prétendre certains ? Pas du tout, le film est bien loin de la vérité historique et Mozart fut beaucoup plus profond qu’il y paraît. Mais encore faut-il y prêter suffisamment attention et savoir le décoder.
Mozart fut sensibilisé très jeune aux idéaux démocratiques qui soufflaient sur l’Europe à cette époque grâce à l’esprit des Lumières. Plusieurs événements ont progressivement dirigé Wolfgang vers la franc-maçonnerie, à l’époque considérée comme une sorte de confrérie très charitable et généreuse avec les démunis. Les épreuves qu'il traversa le poussèrent à se questionner, à l'âge où les enfants sont insouciants.
Le Prince-Archevêque de Salzbourg Colloredo, son premier protecteur avec qui Mozart, trop indépendant, eut des relations houleuses, aurait lui-même été maçon. A 11 ans, Wolfgang a subit de nombreuses maladies assez graves pour l’époque dont la petite vérole. Il adressa à son médecin, une ariette en remerciement sur un texte maçonnique (fourni soit par le médecin lui-même soit par le curé d’Olmütz). L’année suivante il fit jouer « Bastien Bastienne », parodie en vaudeville du « Devin de village » de J.J. Rousseau, dans les jardins du Docteur Mesmer, lui aussi maçon, son commanditaire. A 16 ans, il composa une aria sur les paroles d’un hymne rituel (O heiliges band). En 1773, il est choisi par Gebler, haut dignitaire maçon, pour écrire la musique du drame maçonnique « Thamos » après la défection d’un autre compositeur maçon : Glück. Dans cette œuvre, on y relèvera certaines analogies avec « La Flûte Enchantée ». Quand il vint à Paris en 1778, c’est avec la recommandation de von Gemmingen pour les maçons de la capitale française. Le même Otto von Gemmingen fut son librettiste de « Sémiramis » (1778), adaptation de la tragédie de Voltaire (maçon). Mozart souhaitait alors faire ressortir, par le biais de ses créations musicales, et de manière claire, que la laideur des sentiments (dissonance) ne put se résoudre que par l’harmonie des cœurs (consonance). Ce fut aussi sa manière d’appréhender le pavé mosaïque. Il considérait que seules les lois de l’esthétique peuvent contenir le bien et le mal.
Mozart fut donc, bien qu’encore profane, déjà sérieusement éclairé, son esprit s’éleva vers une philosophie d’ordinaire inaccessible aux jeunes de son âge. Dès « Zaïde » (1780) et « L’enlèvement au Sérail » (1782), l’œuvre de Mozart renvoie à un courant de pensée, celui auquel « les Lettres Persanes » de Montesquieu (maçon) avaient donne le branle dès 1721. « L’enlèvement au Sérail » comporte déjà de nombreux éléments qui soulignent l’esprit de liberté anglaise, par le personnage de Blonde.
En 1781 Mozart était à Vienne, sous la protection de l’empereur Joseph II, lui-même maçon et protecteur de la Franc-Maçonnerie. Wolfgang se lia aux maçons du cercle de la comtesse Thun où dominait le courant rationaliste et progressiste qui devint celui des Illuminés et propagea ultérieurement les idées révolutionnaires.
Toutes les hésitations de Mozart s’entendent parfaitement dans l’Andante du quatuor à cordes K 428. Enfin décidé, Wolfgang fut, tout naturellement, initié à la Loge « La Bienfaisance » à Vienne le 14 décembre 1784. C’est son ami de longue date Otto von Gemmingen qui en était le Vénérable-Maître. Son entrée dans la vie maçonnique, par la conjonction du Rituel, de la tradition et du symbole porta Mozart vers la Lumière. A l’issue de cette cérémonie, Wolfgang ne fut plus jamais le même. Quoi qu’il advenait, il était Franc-maçon et cela ne peut pas être effacé. Sa production musicale fut encore modifiée, enrichie par les nouveaux symboles auxquels il eut désormais accès.
Sur les colonnes il allait rencontrer des FF∴ tels que Goethe (fervent Mozartien), Herder, von Born (qui lui inspira le rôle de Sarastro dans « la Flûte Enchantée »). Mozart fut aussi l’inspirateur de l’initiation de son père Léopold et de son ami Joseph Haydn. Il fréquentait avec une même assiduité sa propre loge et celle d’Ignaz von Born. Le 10 janvier 1785, Wolfgang composa le quatuor à cordes (K464) dont l’andante se rapporte au rituel de réception. Quatre jours après son exaltation à la maîtrise qui eut lieu le 13 janvier 1785, il composa un quatuor à cordes (K465) « Les Dissonances » qui se réfère au grade de compagnon.
Il développa ses idées dans une collaboration très étroite, pour 3 de ses opéras majeurs, avec le librettiste Lorenzo Da Ponte. Destiné au sacerdoce, sur l'initiative de son père, Da Ponte, né en 1749, devient abbé sans pour autant renoncer aux plaisirs amoureux qui jalonnèrent sa longue existence. Eveillé à la poésie grâce à l'œuvre de Dante, il aimait tout d'abord les femmes en trompe-l'œil avant de devenir un insatiable libertin et était l’ami de Casanova, lui aussi maçon.
Da Ponte écrivit le livret des « Noces de Figaro » d’après Beaumarchais. Cette œuvre, où soufflait une réelle revendication sociale égalitaire, était considérée en 1786 comme responsable des troubles agitant la France. Mozart a horreur des classes sociales, des différences flagrantes entretenues entre les aristocrates et le petit peuple. Il choisit ces opéras pour dénoncer les injustices qui le rendent malade. Mozart est, avant Beethoven, le premier compositeur révolutionnaire. Un an plus tard, le duo Da Ponte-Mozart fut confirmé dans une œuvre contenant une réelle critique sociale : « Don Giovanni ». Leur collaboration se termina en 1790, alors que la Révolution Française venait d’éclater, par « Cosi fan tutte », œuvre imposée par l’empereur, mais où Da Ponte et Mozart surent faire ressortir les idées qui leur tenaient à cœur, malgré la pauvreté du sujet.
Mozart voulu ouvrir une Loge accessible aux femmes pour son épouse Constance : elle aurait dû s’appeler « Grotta ». Il ne put réaliser ce souhait avant son décès.
Quant à « La Flûte Enchantée » (1791), si bien accueillie par Goethe, le librettiste officiel fut Emmanuel Schikaneder (maçon exclu en 1789 pour liberté de mœurs). On peut facilement imaginer que von Born a largement suggéré les idées, Schikaneder les a découpées en canevas et rédigea les scènes comiques alors que Johann Georg Metzler dit Giesecke (autre maçon qui était le bras droit de Schikaneder) rédigeait les scènes sérieuses, le tout en collaboration intime avec Mozart. Wolfgang y développe aussi une égalité qui lui tient à cœur : l’égalité initiatique de la femme à venir grâce au rôle de Pamina. Cet ultime opéra majeur est dans sa totalité lié au symbolisme et au rituel maçonnique avec une moralité évidente que Mozart a cultivé tout au long de sa vie et particulièrement sur les colonnes. Le cadre fantastique de « La Flûte » n’est qu’un prétexte et cet opéra a conquit dès ses premières représentations tous les publics pour la raison qu’il peut être vu soit comme un conte de fée, soit comme une comédie bouffe, soit comme une tirade philosophique soit comme une initiation maçonnique. Son cadre, l’Egypte, son apothéose à la gloire d’Isis et Osiris, les 4 épreuves (terre, air, eau, feu), le nom même de Sarastro inspiré de Zoroastre ne peut pas laisser planer le moindre doute. « La Flûte Enchantée » peut être considérée à plus d’un titre comme le testament philosophique du F∴ Mozart.
Peu après, les frères se réunirent en tenue funèbre à l’occasion du décès du au syndrome de Schoenlein-Henoch, le 5 décembre 1791, de leur cher frère passé à l’Orient Eternel ; une oraison funèbre fut imprimée et lue devant tous les frères par Carl Philipp Hensler :
« Le Grand Architecte de l’Univers vient d’enlever à notre Chaîne fraternelle l’un des maillons qui nous étaient les plus chers et les plus précieux. Qui ne le connaissait pas ? Qui n’aimait pas notre si remarquable frère Mozart ? Il y a peu de semaines, il se trouvait encore parmi nous, glorifiant par sa musique enchanteresse l’inauguration de ce Temple. Qui de nous aurait imaginé qu’il nous serait si vite arraché ? Qui pouvait savoir qu’après trois semaines, nous pleurerions sa mort ? C’est le triste destin imposé à l’Homme que de quitter la vie en laissant son œuvre inachevée, aussi excellente soit-elle. Même les rois meurent en laissant à la postérité leurs desseins inaccomplis. Les artistes meurent après avoir consacré leur vie à améliorer leur Art pour atteindre la perfection. L’admiration de tous les accompagne jusqu’au tombeau. Pourtant, si des peuples pleurent, leurs admirateurs ne tardent pas, bien souvent, à les oublier. Leurs admirateurs peut-être, mais pas nous leurs frères ! La mort de Mozart est pour l’Art une perte irréparable. Ses dons, reconnus depuis l’enfance, avaient fait de lui l’une des merveilles de cette époque. L’Europe le connaissait et l’admirait. Les Princes l’aimaient et nous, nous pouvions l’appeler : « mon frère ». Mais s’il est évident d’honorer son génie, il ne faut pas oublier de célébrer la noblesse de son cœur. Il fut un membre assidu de notre Ordre. Son amour fraternel, sa nature entière et dévouée, sa charité, la joie qu’il montrait quand il faisait bénéficier l’un de ses frères de sa bonté et de son talent, telles étaient ses immenses qualités que nous louons en ce jour de deuil. Il était à la foi un époux, un père, l’ami de ses amis, et le frère de ses frères. S’il avait eu la fortune, il aurait rendu une foule aussi heureuse qu’il l’aurait désiré. »
On est loin de la légende d'un Mozart méconnu, méprisé, pauvre et mort dans le dénuement. En 1791, Wolfgang avait perçu plus de 6 000 florins en plus de son salaire à la cour, salaire qui était proche de celui de Salieri, compositeur officiel à la Cour. Mais Mozart avait des dettes (de jeu ?) et ses amis maçons après sa mort eurent à coeur de rétablir très vite la situation financière de sa veuve par quelques concerts sur souscription et la vente de manuscrits du Maître. Abordons enfin le mythe de l’enterrement du compositeur avec l’image de la tempête de neige, du cortège dispersé et de la fosse commune. Il est établit qu’un de ses frères a conseillé à sa veuve l’enterrement le plus économique possible. Mozart eut une sépulture et le bulletin météo de l’époque nous indique qu’il faisait « un temps doux avec brouillard fréquent » et une température variant entre « + 2,6° et + 3° » avec un « vent d’est faible ». L’éloignement de la tombe de Mozart est dut à ce que sa paroisse à Vienne était dépourvue de cimetière, or une épidémie de choléra venait de sévir dans cette ville peu de temps avant la mort de Mozart. Or, un décret impérial interdisait à quiconque de suivre l'enterrement de toute personne morte de maladie inconnue si le cimetière n'était pas attenant à l'église. Reste l’oubli dans lequel sa tombe fut tenue par sa veuve Constance, vite et bien remariée à Georg Nissen, diplomate Suédois.
D'ailleurs, Wolfgang n'était pas un homme isolé. Il vivait entouré de ses amis maçons.
Nous venons de le voir, Wolfgang-Amadeus Mozart a vécu cette fin de XVIIIème siècle dans l’avant-garde de la philosophie des Lumières. Il fut épris de liberté, d’égalité et de fraternité. Mais pour lui, ce ne furent pas de vains mots. Il mit toute sa vie en conformité avec ses idées novatrices. Wolfgang refusa d’être considéré comme un domestique en étant le premier compositeur indépendant ce qui lui priva d’un certain confort financier. Toute la musique qu’il composa est empreinte de ses aspirations. Son engagement en Franc-Maçonnerie fut un prolongement de ses idéaux les plus nobles et lui permit d’attendre la mort en toute sérénité. Non seulement doué et génial, franc-maçon généreux, compositeur respecté et admiré, fils respectueux, père et mari affectueux, il chercha toujours à concrétiser son travail intérieur. Mozart était de ces esprits éclairés dont cette époque d’asservissement fut si riche en vivant en homme libre.

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